Les artistes du paléolithique ont-ils utilisé la technique des ombres chinoises pour exécuter les peintures sur les parois des grottes ? Oui, d'après la théorie que défendent Jean-Jacques Lefrère, professeur de médecine, et Bertrand David, peintre et dessinateur, dans un livre à paraître le 16 janvier, "La plus vieille énigme de l'humanité" chez Fayard.
Les hommes préhistoriques auraient utilisé, selon eux, l'ombre portée d'une figurine sculptée pour tracer d'un trait sûr le contour d'un cheval ou d'un bison sur la paroi des grottes, la source lumineuse étant une lampe à graisse placée derrière la statuette.
"J'ai eu cette intuition en étudiant les grottes ornées pour un projet", explique à l'AFP M. David, fasciné par le mystère des oeuvres réalisées par nos lointains ancêtres du Paléolithique supérieur.
"Nous avons fait de nombreuses expériences en appliquant un protocole rigoureux. Toutes se sont révélées concluantes", affirme-t-il.
A l'appui de leur thèse, les auteurs avancent plusieurs arguments: les figures d'animaux sont toujours de profil, comme des silhouettes. Et si le contour de l'animal est précis, l'intérieur est en général moins élaboré.
Par ailleurs, les figurines pouvaient être transportées aisément par ces nomades et le procédé transmis. Selon eux, il est aussi plus facile de modeler une figurine que de dessiner de mémoire un animal.
Pourquoi cette idée n'a-t-elle jamais été avancée par des préhistoriens ?
"C'est tellement simple que cela paraît presque trivial. Certains sont cependant passés très près", assure M. Lefrère, également historien de la littérature.
"Ce que nous voudrions, c'est que ce livre grand public permette aussi à des spécialistes de nous opposer des arguments, qu'il y ait débat et que notre hypothèse fasse avancer la connaissance", dit-il.
Pour Jean Clottes, la théorie des auteurs est "peu plausible".
"On ne peut pas prouver que ce procédé n'a jamais servi, mais cela va à l'encontre de la diversité des représentations. Deux bisons, deux lions ou deux chevaux ne sont jamais pareils, y compris dans la même grotte", explique-t-il à l'AFP.
"Si les dessins étaient stéréotypés, on pourrait éventuellement l'envisager, mais il n'en est rien. Et pourquoi auraient-ils fabriqué des tonnes de figurines plutôt que de dessiner ? Ils ne dessinaient pas d'après nature, c'étaient des images mentales. Les Aborigènes le font toujours", relève le préhistorien.
"Il n'y a d'homogénéité de l'art préhistorique que pour ceux qui le regardent de loin", renchérit Gilles Tosello.
"Cela ne veut pas dire que lumière et ombres, qui révélaient, accentuaient ou masquaient telle ou telle représentation, ne jouaient pas un rôle essentiel dans cet art", remarque ce préhistorien et artiste. "Mais ce courant a duré autant que les cultures qui le portaient: près de 30.000 ans. Il possède des traits communs, comme les arts de toute époque, mais aussi de fortes différences stylistiques".
"Quand on voit le talent, la diversité des tempéraments, des techniques, nul besoin, selon lui, d'avoir recours à des stratagèmes".
Je n'ai pas encore lu ce livre mais personnellement, je ne pense pas qu'il fera débat pendant très longtemps...
"La plus vieille énigme de l'humanité" (Fayard) - Bertrand David et Jean-Jacques Lefrère - 175 p. - 16 euros.
Source utilisée: RTBF.BE